La Clameur des Foules : Monza, Manhattan, et le Cri des Damnés
Ah, l’approbation sociale, cette bête immonde, insatiable, qui se repaît des carcasses encore chaudes des victimes de la société, des martyrs de la misère humaine… Rarement, oui, rarement, un homicide a pu susciter une telle acclamation, une telle liesse populaire, comme si le sang versé était devenu le nectar d’une nouvelle religion, une communion macabre où l’on célèbre la fin d’un homme comme le début d’une ère nouvelle. Luigi Mangione, un nom qui résonne maintenant comme un hymne, un slogan, un cri de ralliement pour des milliers, des dizaines de milliers d’âmes perdues, égarées dans le labyrinthe de l’injustice sociale.
Des t-shirts, des casquettes, des badges, des chansons… « Deny, defend, depose » et « Free… » Les mots, ces armes redoutables, sont devenus des étendards, des drapeaux flottant au vent de la révolte. Mais quelle révolte, au juste? Contre quoi, contre qui? Contre un système qui broie, qui écrase, qui avilit? Contre une société qui se complaît dans l’inégalité, dans la division, dans la haine? Oui, mille fois oui! Et pourtant, cette clameur, cette acclamation, n’est-elle pas aussi le signe d’une défaite, d’un échec cuisant de notre humanité?
Manhattan, ce monstre de béton et d’acier, cette babylone moderne où se côtoient les rêves les plus fous et les cauchemars les plus sombres, semble avoir trouvé en Mangione un nouveau prophète, un nouveau messie. Mais quel message porte-t-il, ce messie des temps modernes? Est-ce le message de la rédemption, de la justice, de l’égalité? Ou est-ce simplement le cri désespéré d’une société en perdition, d’une humanité en quête de sens, de repères, de valeurs?
Et Monza, dans tout cela? Monza, cette ville italienne, berceau de la vitesse et de la passion, semble avoir été oubliée, reléguée au rang de simple anecdote, de prétexte historique. Mais n’est-ce pas là le drame de notre époque, cette capacité à oublier, à effacer, à nier l’histoire, les racines, les origines? N’est-ce pas là le signe d’une société malade, d’une humanité en proie à l’amnésie, à l’oubli, à la négation de soi?
Alors, oui, si ça valait pour Monza, ça vaut pour Manhattan. Mais à quel prix? À quel coût humain, social, moral? Et quelle leçon tirer de tout cela, sinon celle de la nécessité d’une révolte, d’une insurrection, d’une révolution? Une révolution non pas des armes, mais des esprits, des cœurs, des âmes. Une révolution qui balaierait les injustices, les inégalités, les divisions. Une révolution qui redonnerait à l’humanité sa dignité, sa grandeur, sa noblesse.
Et dans ce tumulte, dans ce chaos, dans cette quête lumineuse, presque mystique, il y a nous, les damnés, les écorchés vifs, les âmes en peine, errant dans les limbes de l’existence, cherchant désespérément une lueur d’espoir, un souffle de vie, une raison de croire encore en l’humanité. Alors, oui, « Free… » Free de quoi, de qui? Free de nos chaînes, de nos entraves, de nos peurs, de nos doutes, de nos angoisses. Free de cette société qui nous étouffe, qui nous broie, qui nous avilit. Free de cette humanité qui nous trahit, qui nous déçoit, qui nous abandonne.
Et dans ce cri, dans cette clameur, dans cette acclamation, il y a peut-être, peut-être, une lueur d’espoir, une raison de croire encore, une raison de lutter, de résister, de se battre. Une raison de vivre, tout simplement. Car, au fond, n’est-ce pas cela, la véritable révolution, la véritable insurrection, la véritable révolte? La vie, dans toute sa splendeur, dans toute sa grandeur, dans toute sa noblesse. La vie, contre vents et marées, contre toutes les injustices, contre toutes les inégalités, contre toutes les divisions. La vie, tout simplement.
Et dans ce vertige poétique, dans ce tumulte intérieur, dans ce cri intérieur, il y a peut-être, peut-être, une raison de croire encore, une raison de lutter, une raison de résister, une raison de vivre. Une raison de continuer à chercher, à espérer, à rêver. Une raison de croire en l’humanité, en la vie, en l’amour. Une raison de croire en nous, en notre capacité à changer, à évoluer, à grandir. Une raison de croire en l’avenir, en un monde meilleur, en un monde plus juste, en un monde plus humain. Une raison de croire, tout simplement.